Traditions musicales religieuses

Un ouvrage d’une qualité inégale nous invite avec passion à découvrir les musiques sacrées du monde.

Derviche tourneur. Photo : Ruth/flickr.com

L’auteur de ce livre, destiné à faire découvrir au grand public les musiques sacrées des différentes traditions religieuses, est avant tout un connaisseur passionné des musiques du monde. On perçoit son enthousiasme à conter et à transmettre son admiration et ses connaissances en la matière. Ainsi, des chapitres tels que ceux consacrés aux chants des Églises orientales, aux negro spirituals et au gospel, ceux dédiés aux musiques sacrées de l’islam et du judaïsme, et bien d’autres encore, invitent à la découverte et forment une très bonne première approche de ces musiques qu’on peut apprécier depuis peu, avec bonheur, en Occident. Manifestement, l’auteur semble par contre moins à l’aise dans les chapitres traitant de la musique occidentale. On y trouve certes la même ferveur, mais quelques détails ne trompent pas, à commencer par l’usage de certains adjectifs creux (superbe, sublime, magnifique) qui ne remplacent pas une vraie description, ou quelques imprécisions de langage (« parties polyphoniques de plain-chant », p. 64). Quelques surprenantes erreurs font regretter que l’auteur n’aie pas mieux contrôlé ses sources (Telemann a postulé pour le poste de cantor à Leipzig et non d’« organiste titulaire »), vérifié la cohérence (la célèbre décrétale de Jean XXII condamnant l’Ars nova change de nom et de date à la page 81, alors que ces indications sont presque justes aux pages 38 et 94 – notons que ce pape a été élu en 1316, et non en 1314 comme fautivement noté p. 36) ou parcouru les partitions (ouverture orchestrale La Grande Pâque russe de Rimski-Korsakov mentionnée comme une œuvre liturgique, clarinettes ajoutées à tort à l’effectif de la Messe en si de Bach, tandis que le corno da caccia est oublié), pour ne donner que quelques exemples. De même, on ne peut que s’étonner de ne pas voir cités les noms de Schubert ou de Mendelssohn, dont les œuvres sacrées sont bien plus essentielles que le Requiem pour la paix d’Henri Tomasi, très loin d’être incontournable, et auquel une page entière est pourtant dédiée. En résumé, on tâchera d’oublier les imperfections du premier quart du livre pour mieux en savourer le reste, d’autant que même le niveau et la précision de la partie consacrée à la musique occidentale du 20e siècle s’avèrent meilleurs.

A noter que les monothéismes se taillent la part du lion – plus des deux tiers de l’ouvrage – et on pourrait préférer que les riches traditions de la Chine et du Japon soient commentées par davantage que, respectivement, six et quatre pages. Le taoïsme et le confucianisme sont rapidement effleurés, le mazdéisme et le shintō à peine mentionnés, le jaïnisme et le sikhisme totalement absents. Dommage, mais l’auteur se rattrape dans les parties consacrées à la musique sacrée de l’hindouisme et aux liturgies bouddhiques, ainsi qu’à différents rituels et cultes animistes et chamaniques (de Cuba, d’Haïti, du Mali, de Sibérie, etc.) et même au jazz. A la fin de chaque chapitre, à une exception près, un interprète spécialisé dans le répertoire abordé répond à une ou plusieurs question(s), et une liste de CDs sélectionnés incite à approfondir par l’écoute ce qui a été appris par la lecture.

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Gérard Kurkdjian : Le Grand Livre des musiques sacrées du monde, 432 p., € 23.90, Editions Albin Michel, Paris 2016, EAN13 9782226326294

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