Voyage au cœur
de Steinway

Voici de nombreuses années que le Centre Pédagogique
Romand ASMP-SSPM (CPR) a le privilège de collaborer avec Steinway Hall Suisse Romande – Hug musique (Lausanne), que ce soit par l’organisation de stages ou par des ateliers sur des thèmes spécifiques : la notation graphique, le piano préparé, etc.


Pour sa saison 2014-15, comme une perle née de ces années fructueuses, l’occasion nous a été offerte de faire le voyage à Hambourg afin de visiter les usines Steinway. Une petite équipe d’une dizaine de personnes a ainsi pu pénétrer dans les lieux sacro-saints où se fabriquent les pianos parmi les plus beaux du monde ! Inutile de dire que ce voyage restera pour les participants une expérience inoubliable ! Magnifiquement guidés par les responsables suisses de Steinway, Armando Piguet (Lausanne) et Daniel Rimensberger (Zürich), nous avons pu découvrir en amont tout ce qui fait la qualité merveilleuse de ces instruments d’une marque fondée en 1853 déjà.


Depuis, la célèbre lyre de Steinway&Sons se trouve sur près de 600 000 instruments. Le site européen de Hambourg fournit la totalité du monde, excepté les deux Amériques, en sortant annuellement environ 1200 instruments toutes tailles confondues. La Suisse à elle seule « consomme » le dixième de cette production. Bien au-delà des chiffres, l’usine et la découverte de l’entreprise nous ont fortement impressionnés. Ses 290 employés hautement qualifiés sont le cœur même de cette production qui reste à 80% totalement artisanale.


Retour sur image…


L’usine toute de briques rouges avec son immense cheminée a gardé son aspect d’il y a près de 100 ans, mais que l’on ne s’y trompe pas, la technologie la plus moderne se cache à chaque détour. Un exemple ? Le chauffage de l’usine qui se fait grâce aux déchets de bois récupérés. Il en est de même à chaque étape de la fabrication, l’artisanat le plus exigeant se marie avec des systèmes de contrôle ultra performants. Une aide afin de sans cesse pousser le travail manuel aux franges de la perfection.


Cet équilibre harmonieux entre artisanat et haute technologie frappe d’emblée le visiteur. S’il se trouve ici quelques machines, ce n’est pas pour augmenter la productivité, mais pour effectuer certaines opérations mécaniques très précises. Toute l’attention est portée sur l’aspect sonore, en d’autres termes auditif et acoustique de l’instrument. Plus encore, il faut initier la facture instrumentale en partant de l’exécution même du pianiste dont on tient compte des attentes les plus extrêmes : une longueur de note pure et stable aussi bien dans les graves que dans les aigus, une dynamique large et pleine, une mécanique réactive dans les deux échappements, des pédales fines qui obéissent parfaitement au jeu des étouffoirs autant avec la « Federpedal » (quart de pédale) qu’aux autres niveaux exigés, etc. Le pianiste trouve ainsi écho à ses rêves sonores, le musicien qu’il est peut se laisser vibrer avec un instrument dont on oublie le volume, le poids, la chaire, pour n’être plus qu’onde musicale.


On ne pourrait tarir de détails en décrivant tout l’enrichissement d’une telle visite. Dès le portail franchi, l’immense hall de séchage des bois (deux ans en espace ouvert pour un séchage progressif) d’épicéa, acajou, érable, éveil les sens par toutes ces odeurs. Ensuite ce sont les parfums de colles (dont la teneur est gardée jalousement secrète), de laques, de peintures, qui s’ajoutent aux bruits des rabots, marteaux, scies, presses, au travers de toutes ces mains qui façonnent des instruments qui lentement, environ une année, parcourent cette longue chaîne de fabrication artisanale.


Le cadre extérieur se moule en une pièce (longue de sept mètres pour un Steinway B) faite de strates de différents bois attendris, encollés, compressés et chauffés pendant six heures. Steinway est l’unique concepteur qui construit en commençant par le cadre extérieur jusqu’à l’intérieur de l’instrument.


Construire du son et du silence


Au fur et à mesure que nous avançons, le silence prend sa place et les derniers ouvriers spécialisés sont confinés dans leur propre local. Qui de poncer chaque étouffoir pour lui donner le rebond le plus précis, qui de régler minutieusement la mécanique ou qui, comme ce technicien qui effectue sans relâche depuis 33 ans la même opération, de régler les étouffoirs sur une ligne dont ne ressortira aucun bruit de corde parasite ; tous des techniciens nous parlant de leur métier avec passion et dont on ressent avec émotion l’amour de leur travail.


Au bout du voyage, les instruments subissent plusieurs intonations et in fine, à la manière des parfumeurs qui se fient à un « nez », une seule et unique personne est habilitée à faire le dernier test. Alors, le pouce de césar acceptera la sortie d’usine, ou recalera le piano qui devra alors remonter la chaîne autant de fois que nécessaire, quitte à dégringoler les étages, et se retrouver au berceau, selon les révisions à faire…


Rentré chez soi, on ne touche plus un Steinway de la même manière, la pensée vagabonde et la main devient complice de toutes ces mains qui se réunissent pour la pure beauté de la musique.


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