Egalité des chances d’accès et de réussite en musique

La législation genevoise favorise l’égalité des chances en musique. La HEM a cartographié l’offre de cours et prévoit de piloter les futures offres sur la base de données sociodémographiques.

La Conférence mondiale de l’UNESCO concernant l’éducation artistique (2011) intimait de « S’assurer que les apprenants de tous les milieux sociaux aient accès tout au long de leur vie à l’éducation artistique, dans divers contextes tant communautaires qu’institutionnels. ». En 2014, l’art. 42 de la Déclaration de Fribourg précisait : « À la simple participation, le droit d’accès ajoute un élément social important en imposant à toute personne, et notamment aux autorités publiques, la responsabilité de favoriser les conditions d’accès du plus grand nombre à la culture, et en particulier des plus pauvres, à travers l’éducation et les politiques culturelles. » En Suisse, l’art. 67a al.3 de la Constitution fédérale de 1999 insiste : « La Confédération fixe, avec la participation des cantons, les principes applicables à l’accès des jeunes à la pratique musicale (…) ». Au niveau genevois l’art. 106 al.1 de la Loi sur l’instruction publique précise : « L’Etat est garant de l’accès le plus large possible à un enseignement de base non professionnel de qualité ». L’al. 4 missionne la Confédération des écoles genevoises de musique de veiller « à corriger les inégalités de chance de réussite ». Mais en 2019, un rapport genevois de la Cour des comptes de 2019 invitait notre Département de l’instruction publique à « revoir le dispositif » qui n’aurait pas répondu aux vœux des élèves (inadéquation de l’offre et de la demande). 

Répondre à la volonté du législateur

On sait intuitivement depuis longtemps que tout style de musique pratiqué développe les aptitudes musicales (Teplov 1966 ; Shuter-Dyson 1994). Depuis, les neurosciences démontrent que l’exposition à la musique et notamment son écoute active font déjà beaucoup (Bigand 2004, ; Tillman & al., 2005). Il est donc admis que l’opposition traditionnelle inné / acquis n’a plus lieu d’être dans le discours des professionnels de l’enseignement de la musique : les aptitudes musicales se développent, à l’instar de toute autre aptitude, si elles sont stimulées. A Genève, le législateur souhaite cette stimulation. Onze écoles sont subventionnées pour l’enseignement extrascolaire et une cinquantaine d’Orchestres en classe (OEC) sont implantés dans le Réseau d’éducation prioritaire (REP). Les élèves des classes concernées bénéficient de cours collectifs de musique instrumentale, inscrits à leur programme scolaire, pendant deux ans. Les instruments (cuivres, bois, cordes, percussions) leur sont prêtés.

Néanmoins, tous les quartiers de la ville de Genève ou communes du canton n’ont pas le même intérêt pour cet effort de démocratisation de la pratique musicale dans le cadre scolaire. Et pour ce qui est de l’accès aux cours de musique hors temps scolaire, l’étude locale de Cecchini & Dutrévis (2022) révèle notamment deux paramètres à considérer pour que les élèves actuellement en marge de l’apprentissage musical s’y intéressent : leurs goûts musicaux et l’accessibilité aux cours, dans la continuité de la journée scolaire et dans un rayon géographique proche du bâtiment scolaire.

 

Enquêter et cartographier pour piloter

Afin de localiser l’implantation des OEC et la disponibilité de cours de musique à proximité des écoles (principe de la ville du quart d’heure), nous avons, en partenariat avec l’Université de Genève, cartographié l’offre actuelle. Depuis 2021, le Département de la cohésion sociale dispose d’un guichet cartographique, soit un « outil d’analyses statistiques sur la situation socioéconomique des 475 quartiers (ou sous-secteurs) composant le canton de Genève ». L’offre d’enseignement musical subventionné ne figurait pas dans la base de données. La HEM a mené une enquête exhaustive pour collecter toutes les informations nécessaires afin de situer exactement l’offre en 2024. Les coordonnées précises des lieux d’enseignement (géolocalisation) ont permis de calculer les aires d’accessibilité de chaque offre et de définir les zones peu ou pas desservies, où une population d’élèves potentiels existe.

 

Elaborer une offre ciblée

L’accessibilité ayant été cartographiée, la HEM souhaite à présent répondre au second paramètre d’incitation à la fréquentation de cours de musique extrascolaire : le goût des élèves. Elle devra aussi tenir compte de la nécessité de stimulation des aptitudes musicales et des faibles moyens économiques des familles concernées. Une offre pédagogique ciblée est en construction : un cours collectif de musique corporelle ne nécessitant aucun instrument et pouvant s’implanter dans n’importe quelle salle de classe, donc idéalement au sein même des bâtiments scolaires. A suivre donc.

Pr. Dr Carine Tripet
… est responsable des formations pédagogiques et professeure en sciences de l’éducation à la Haute école de musique de Genève – Neuchâtel.

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