Payer plus pour toucher des rentes moins élevées ?
Le 22 septembre 2024, les citoyennes et citoyens suisses voteront sur la réforme de la prévoyance professionnelle (réforme LPP). Elle a pour objectif de renforcer le financement du second pilier. Les syndicats, le PS et les Verts ont lancé un référendum.
Le projet qui fait l’objet de la votation de septembre fait bouger les lignes : une conseillère fédérale socialiste doit une fois de plus défendre une position officielle contre l’avis de son propre parti ; une conseillère aux Etats verte, Maya Graf, coprésidente de l’organisation féministe « Alliance F », monte au front pour soutenir une réforme qui est rejetée par son parti ; à l’instar de la gauche, Esther Friedli, conseillère aux Etats UDC et membre du comité de GastroSuisse, refuse cette réforme. Le fait est que le projet est d’une part très complexe, et d’autre part exposé de manière si vague dans les détails par le Conseil fédéral et le Parlement que les effets pour les rentières et rentiers ne peuvent pas être prédits de manière fiable. Les musiciennes et musiciens devraient rejeter la réforme, car elle ne leur apporterait aucun avantage financier, mais entraînerait une réduction de leur pension.
Dilution de l’idée initiale de la réforme
Après l’échec du projet « Prévoyance vieillesse 2020 » lors de la votation populaire de 2017, il a été décidé de réformer séparément les deux piliers de la prévoyance vieillesse. La réforme du premier pilier («AVS 21»), acceptée entretemps en votation, consiste essentiellement à revoir à la hausse l’âge de la retraite des femmes et à augmenter la TVA. On peut supposer que le résultat tout juste positif du vote a été influencé par de prétendues difficultés financières de l’AVS, qui, il y a quelques semaines, se sont avérées n’être qu’une erreur flagrante de calcul de l’Office fédéral des assurances sociales. En ce qui concerne la réforme du second pilier, le Conseil fédéral a d’abord accepté une proposition de compromis des partenaires sociaux qui prévoyait d’améliorer le financement de la prévoyance professionnelle en ajustant le taux de conversion minimal. Pour préserver le niveau des rentes et mieux assurer les personnes aux revenus modestes et travaillant à temps partiel – cela concerne également les musiciennes et musiciens –, la déduction de coordination devait en contrepartie être réduite de moitié, et une contribution de solidarité introduite. Mais lors du processus parlementaire, les partis bourgeois n’ont rapidement plus voulu en entendre parler. La réforme finalement adoptée s’écarte du compromis des partenaires sociaux sur des points essentiels. Des coupes sévères ont notamment été opérées au niveau des suppléments de rente, censés compenser la réduction du taux de conversion minimal et la baisse constante des rentes des caisses de pension depuis des années. Le Parlement a également renoncé au financement solidaire de ces suppléments. Tout ce qu’il reste de l’idée de départ, ce sont principalement des déductions de salaires plus élevées et un taux de conversion minimal plus bas (6 % au lieu de 6,8 %), et donc des rentes plus basses pour de nombreuses personnes assurées, le taux de conversion déterminant le montant de la pension qu’on reçoit pour les actifs épargnés.
Les rentes diminuent malgré les bons résultats des caisses de pension
Les rentes du second pilier diminuent continuellement, alors que les cotisations n’ont jamais été aussi élevées et que les caisses de pension réalisent de très bons résultats. Leurs réserves et leur marge de sécurité s’élèvent à plus de 110 milliards de francs. Avec la réforme de la LPP, les rentes perdraient jusqu’à 3200 francs par an. Ces trois dernières années, les personnes à la retraite ont perdu plus de 5 % de pouvoir d’achat sur leur rente LPP à cause du renchérissement. Cela correspond à 100 francs environ par mois pour une rente moyenne. Parallèlement, les prélèvements obligatoires sur les salaires seraient relevés. Avec cette réforme, les salariés auraient à payer chaque année 2,1 milliards de francs supplémentaires aux caisses de pension. Les coûts par employé augmenteraient jusqu’à 2400 francs par an. Pierre-Yves Maillard, le président de l’Union syndicale suisse (USS), dont l’USDAM fait partie, résume le problème avec brièveté et concision : « Payer plus pour toucher moins – il faut refuser ce paquet inacceptable ! » Aujourd’hui, les banquiers, les managers et les experts prélèvent déjà plus de 7 milliards de francs chaque année sur nos avoirs de vieillesse. Les frais de gestion de fortune ont doublé en 10 ans. Ils coûtent à tout un chacun 1400 francs par année. Des experts aussi y voient un gigantesque potentiel d’économie. Ces 20 dernières années, les compagnies d’assurances ont gagné près de 9 milliards de francs avec nos cotisations au 2e pilier, avec la bénédiction du Parlement, en proposant surtout aux petites entreprises des solutions coûteuses et défavorables aux personnes assurées.
Large opposition
L’argument selon lequel la LPP devrait enfin, après 20 ans, être réformée, est faux : à la différence de l’AVS, il n’y a pas de blocage des réformes dans le deuxième pilier.
La réforme ne prévoit par ailleurs pas la moindre amélioration structurelle pour les femmes, comme l’introduction de bonifications pour tâches éducatives et d’assistance.
C’est la raison pour laquelle Gabriela Medici, la spécialiste de l’AVS au sein de l’USS, souligne que : « Cette réforme est également mauvaise pour les femmes, dont beaucoup sont menacées de voir leurs rentes baisser, alors que les problèmes ne sont pas pour autant résolus. »
Récemment, huit associations professionnelles, à savoir GastroSuisse, le Centre Patronal, les associations des secteurs de la boulangerie-confiserie, des cafetiers, des salons de coiffure, des centres de fitness et de santé, des shops de stations-service ainsi que l’Union professionnelle suisse de la viande, ont formé une alliance « Non à la réforme manquée de la LPP ». Elle considère la réforme comme un échec et recommande son rejet par les urnes.