A l’origine du classicisme

Dans l’aire germanique, l’origine du concept de classicisme en musique ne peut être séparée des débats esthétiques et philosophiques.

Photo : Dennis Des Chene

Comment s’est forgée la notion de classicisme en musique, alors qu’Hoffmann considérait Haydn, Mozart et Beethoven comme des représentants du romantisme et que Tieck, en 1799,  écrivait que la musique n’avait « pas encore connue de périodes vraiment  classiques » ?

L’histoire des débats esthétiques relatée dans l’ouvrage d’Alexandre Chèvremont débute par la vision inhibitrice de Winckelmann, qui voyait la perfection de l’art dans la sculpture grecque antique, modèle inaccessible dont une conception plus ouverte du terme de classique a permis progressivement de s’affranchir. Après Lessing ou Herder qui appliquèrent la notion de classicisme à d’autres périodes que celle de la Grèce antique et à d’autres arts que la sculpture, l’apport fondamental de la critique kantienne de la faculté de juger transforma cette notion : l’idéal de beauté relève de notre propre jugement et ne se trouve pas lié à une époque particulière. Le passé n’est plus modèle, mais exemple permettant au créateur d’atteindre son autonomie.

Schiller estima que, aucun des arts n’atteignant l’idéal de la beauté, leur réunion pourrait s’en rapprocher le mieux. Le premier romantisme allemand choisit alors le drame, au-delà de l’opposition entre l’antique et le moderne. Ainsi, l’opéra deviendra pour certains le lieu de recherche d’un art parfait. Wackenroder et Tieck célébrèrent au contraire la musique instrumentale, révélatrice de nos sentiments intérieurs. En tant que langage plus profond et plus subtil que la poésie, elle accède à la perfection. Faisant abstraction de la voix, indépendante du texte et de son surplus d’expression, la musique instrumentale devient pour eux le véritable drame musical. Pour Hegel au contraire, la musique non vocale n’appartient quasiment pas au domaine de l’art, ce dernier ne se situant déjà pas très haut dans son estime (selon lui, le discours philosophique sur l’esthétique revêtirait une plus grande importance que l’art lui-même).

Mais les deux figures sur lesquelles se penche le plus l’auteur de cet ouvrage sont Hoffmann et Amadeus Wendt. Du premier, il resitue la pensée différentiée en la délivrant des prises de position esthétique ultérieures qui l’ont déformée par une lecture partielle et unilatérale. Quant au second, il lui redonne son importance dans le débat philosophique sur la musique : il fut en particulier le premier à utiliser, en 1836, la notion de classicisme pour la triade viennoise que forment Haydn, Mozart et Beethoven.

Au fil des pages, on croisera également Rousseau – seul penseur non issu de l’aire germanique à être cité dans cette étude –, les frères Schlegel, Wagner, Hanslick, mais aussi plus brièvement Fichte, Schelling ou Novalis, ainsi que les plus récents Dahlhaus, Eggebrecht ou Rosen.

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Alexandre Chèvremont, L’esthétique de la musique classique. De Winckelmann à Hegel, Collection Æsthetica, 296 p., € 19.00, Presses Universitaires de Rennes PUR 2015, ISBN 978-2-7535-4056-9

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