La musique guérit-elle ?

Deux livres récemment parus traitent des liens entre la musique et les états de santé, tandis qu’un troisième ouvrage nous amène à l’intersection entre musique et parole.

Photo : Dörthe Huth/pixelio.de

Comment démêler ce qui émane du charlatanisme ou de la légende et ce qui ressort de faits constatés par les sciences positives ? Comment sortir des généralisations, des récupérations mercantiles, des exagérations, sans pour autant verser dans un scepticisme aveugle ? Largement documenté, un récent ouvrage de David Christoffel présente un vaste panorama, de l’Antiquité à nos jours, des bienfaits réels ou supposés de l’art d’Euterpe. L’intuition antique d’une harmonie musicale permettant aux humains de réaccorder leur être intérieur ou de gérer des affections, a rapidement dégénéré en une multitude de croyances quelquefois puériles ou prémagiques. Ce n’est que récemment que des approches plus scientifiques ont vu le jour, en particulier dans le cadre des neurosciences et des sciences comportementales, et apporté une vision plus réaliste et mesurée. Encore faut-il que la méthodologie des expérimentations soit suffisamment stricte et bien ciblée. Difficile en outre de discerner ce qui ressort de l’acquis ou de l’inné, les réactions pouvant par ailleurs s’avérer différentes non seulement d’un individu à l’autre, mais aussi d’un moment à l’autre. Il faut de plus se garder de mélanger les causes et les effets, la musique pouvant aider à soigner en tant qu’adjuvant sans forcément guérir directement par elle-même. Les multiples applications thérapeutiques vont du soin de la dyslexie au soulagement des troubles autistiques ou des maladies neurodégénératives, tandis que le potentiel pédagogique d’une activité musicale comprend la fixation des connaissances ou la capacité d’appréhender un contenu émotionnel. En format de poche, ce livre apporte de nombreuses informations diversifiées sur le sujet, avec maintes anecdotes tant instructives qu’amusantes, aussi bien sur les théories les plus extravagantes que sur les recherches les plus sérieuses.Image

David Christoffel : La musique vous veut du bien, 250 p., € 19.00, Editions Puf, Paris 2018, ISBN 978-2-13-078974-1

Musique et maladie

Autre écrit sur le même sujet, mais volontairement plus érudit et spécialisé, l’opuscule du médecin, musicologue et polymathe Giovanni Morelli a été publié à l’origine dans l’édition italienne de l’Encyclopédie de la musique dirigée par Jean-Jacques Nattiez – l’édition française ayant renoncé à traduire cette rhétorique parfois alambiquée. Laurent Feneyrou s’y est non seulement essayé en restant le plus proche possible de l’original, y compris de quelques expressions typiquement italiennes, mais il a aussi ajouté un appareil critique abondant ainsi que la traduction d’un article de Morelli consacré à la même thématique. Mais surtout, il a rédigé une introduction, presque un essai, plus longue que le texte présenté, où il se penche également sur le contenu en relation avec la musique de plusieurs autres livres du savant italien. Dans Musique et maladie, on trouve une réflexion sur la manière dont la médecine a considéré la musique, une courte analyse du rôle des Lumières dans ces deux domaines, huit pathographies de compositeurs (Bach, Haendel, Mozart, Beethoven, Schubert, Mendelssohn, Chopin et Schumann), une transition discourant du changement de statut du malade au début du 20e siècle, et enfin une hypothèse sur la création musicale à l’ère du virus HIV. Du statut de musicien-guérisseur à celui de créateur souffrant dont la musique serait un pathologique reflet, l’imaginaire collectif s’est enflammé de diverses manières. La maladie et la mort étant le lot commun, surévaluer les pathologies de célébrités risque de faire oublier que celles-ci ne sont que des malades comme les autres, seul le voyeurisme rendant leur cas clinique littéralement plus spectaculaire.Image

Giovanni Morelli, Laurent Feneyrou : Musique et maladie, 208 p., € 26.00, Éditions Aedam Musicae, Château-Gontier 2017, ISBN 978-2-919046-45-4

Papiers sonores II

Il y a trois ans, le musicologue et écrivain Jean-Noël von der Weid, auteur entre autres d’une renommée Musique du 20e siècle, avait écrit un recueil de textes destinés à être lus en contrepoint de pièces musicales spécifiques (lire la présentation du premier tome). Récemment paru, le second volume réitère ces expériences, avec 40 nouveaux compositeurs, tous dûment présentés en des notices, le plus souvent d’une à deux pages, qui se focalisent plus sur l’esprit des créateurs et l’essence de leurs œuvres que sur de simples biographies. Le musicographe rend ainsi hommage à des personnalités aussi diverses que, pour n’en citer que quelques-unes, Dowland ou Nancarrow, Schmelzer ou Rădulescu, Jacquet de La Guerre ou Oustvolskaya, Chopin ou Vivier, Bizet ou Ohana, Alkan ou Feldman. Quant aux textes accompagnant les auditions, ils se partagent entre ceux de la plume de l’auteur, qui aime à jongler avec les mots, les références et les réminiscences, et d’autres écrits – souvent extraits de lettres de compositeurs, mais aussi citations, poème dithyrambique ou passage délicatement mystérieux du Songe de Poliphile de Colonna.Image

Jean-Noël von der Weid : Papiers sonores II, 224 p., € 27.00, Éditions Aedam Musicae, Château-Gontier 2018, ISBN 978-2-919046-59-1

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