Opéras et contrastes
Une introduction à Rossini et La Mort à Venise de Britten sont deux des sujets traités parmi les récentes parutions de l’Avant-Scène Opéra.
Largement reconnue pour ses présentations d’ouvrages lyriques, l’Avant-Scène Opéra a édité plusieurs guides monographiques permettant de mieux se familiariser avec les plus grands compositeurs d’opéras. Le dernier en date est dédié au protéiforme Rossini, d’une vitalité conquérante mais qui abandonne la scène au milieu de sa vie, plein d’humour mais ayant enduré les douleurs d’une maladie chronique et la dépression. Réputé pour son répertoire buffo, dont quelques titres seront restés sans éclipse à l’affiche, il se vouera de plus en plus au seria avant de terminer sa carrière avec un grand opéra français, Guillaume Tell. Au fil du temps, la plupart de ces témoins d’une période charnière de l’art lyrique et de l’apothéose du bel canto avaient sombré dans l’oubli, et n’ont été redécouverts que durant ces dernières décennies. Sous la plume experte de Chantal Cazaux, les divers chapitres, ornés d’une belle iconographie, exposent différents aspects biographiques de l’enfant de Pesaro, proposent des études sur son œuvre, des notices sur quelques-uns de ses interprètes représentatifs du passé à nos jours, ainsi qu’une sélection discographique, vidéographique et bibliographique. Le centre de ce volume est constitué par la description de 18 œuvres, contenant leur genèse et les circonstances de leur création, leur place dans la production de Rossini et de son temps, le résumé de leur action, le caractère des personnages et un guide d’écoute.
Chez le même éditeur, le catalogue des cahiers consacrés plus spécifiquement à un opéra s’enrichit avec régularité, comme récemment avec l’ultime partition de Britten pour la scène, le crépusculaire et onirique La Mort à Venise, d’après la nouvelle éponyme de Thomas Mann qui rejoint les préoccupations de Britten : réflexion sur les sources de l’inspiration, fascination pour la beauté symbolisant la perfection de la création artistique, imminence de la mort – le compositeur étant gravement atteint dans sa santé. Combat entre Eros et Thanatos, conflit entre apollinien et dionysiaque, antagonisme entre l’esprit et les sens, écartèlement entre une idéalisation de la beauté pure et le désir issu de la contemplation de son incarnation, opposition entre un climat inquiétant souligné par une musique ascétique souvent proche du silence (drame intérieur du protagoniste principal au psychisme torturé, certains rôles secondaires figurant son destin et son décès, épidémie menaçante de choléra) et la luminosité presque surréelle aux sonorités délicates inspirées du gamelan : cet opéra riche en contrastes est analysé en détail, son livret et sa traduction reproduits in extenso, et quelques intéressants essais sur et autour de l’œuvre approfondissent sa compréhension et élargissent nos connaissances.
Chantal Cazaux : Rossini, mode d’emploi, 240 p., € 28.00, Avant-Scène Opéra, Paris 2020, ISBN 978-2-84385-497-2
Benjamin Britten : La Mort à Venise, 144 p., € 28.00, Avant-Scène Opéra, Paris 2021, ISBN 978-2-84385-373-9