Des troubadours à la musique contemporaine
La musique des troubadours, une histoire de l’instrumentation et de l’orchestration, une présentation de l’art sonore et de ses créateurs et un manuel de pédagogie musicale, tels sont les sujets de quelques-unes des récentes parutions des éditions Minerve.
Depuis longtemps manquait dans le monde francophone une synthèse des connaissances actuelles sur les troubadours et leur musique. Un tel ouvrage est paru aux éditions Minerve sous la plume de Gérard Le Vot, un des plus célèbres spécialistes de ce répertoire qu’il chante et joue, et auquel il a consacré plus de quarante ans de recherches. Il résume le contexte historique et sociologique qui a vu naître et mourir la lyrique occitane, présente chaque trobador, de Guillaume IX d’Aquitaine à Guiraut Riquier, et décrit les sources manuscrites, tardives, qui figent ces œuvres proches de la culture orale. Particulièrement intéressantes s’avèrent les études des différentes sortes de chants, de leurs diverses notations, de leur élaboration formelle (structures, métriques, modes et genres, mais aussi formules, emprunts et réemplois mélodiques, variantes, ornements et cadences), de la relation entre poème et mélodie, de la déclamation et des sentiments exprimés, de la dialectique entre invention et transmission, dans une perspective musicale vivante et en restant conscient que les cansos qui nous sont parvenues ne représentent qu’une petite partie du corpus original. Le vaste panorama des questions traitées fait de ce livre une somme, abordable et passionnante, sur l’art de trobar.
Quatre siècles d’orchestration
Sa première édition ayant été rapidement épuisée, une nouvelle impression de l’Histoire de l’instrumentation et de l’orchestration (deux termes qui n’ont été utilisés qu’à partir des années 1820/30) de Christian Goubault est d’autant plus à saluer qu’une telle synthèse est relativement rare, surtout lorsqu’elle embrasse toute la période concernée, de la fin de la Renaissance à nos jours – les chapitres consacrés au 20e siècle, de Debussy à l’école spectrale, s’avérant tout spécialement réussis. Signalons d’emblée que l’auteur est malheureusement décédé l’année même où son imposant volume paraissait, ce qui explique peut-être un certain nombre d’imperfections que des relectures ou des vérifications plus poussées auraient pu corriger, entre autres pour les effectifs mentionnés, à plusieurs reprises notés approximativement. Deux exemples d’erreurs parmi les plus dérangeantes : la description d’un passage du premier mouvement de la 9e Symphonie de Beethoven au milieu de l’analyse du finale de la même œuvre (p.117), possiblement due à un désordre dans le manuscrit ; l’évocation pour le moins curieuse de chœurs dans la 3e Symphonie de Saint-Saëns (p.168), résultant sans doute d’un mauvais déchiffrage (il aurait fallu lire « cordes »). Cependant, ces détails peuvent facilement être clarifiés en étudiant les partitions en question. Tout au long de son livre, Christian Goubault décrit une grande quantité d’extraits d’œuvres d’un nombre important de compositeurs, passages particulièrement intéressants du point de vue du traitement de l’orchestre, complétant ainsi fort agréablement, pour les musiciens, la lecture des traités d’orchestration, tout en offrant aux mélomanes une approche approfondie et d’innombrables informations. Se trouvent également abordés des sujets tels que l’évolution de la place des instruments sur la partition d’orchestre, les traités d’instrumentation et d’orchestration les plus notables, les principales techniques orchestrales, les arrangements et réorchestrations, les nouveaux instruments de musique et le développement de la facture instrumentale, notamment au début du 20e siècle, et enfin des analyses davantage détaillées d’un choix de 14 partitions, pour mieux comprendre la manière dont on se sert des timbres pour orchestrer.
Foisonnement sonore
Situées à la croisée des chemins entre musique et arts plastiques, les œuvres multimédias, installations ou autres sculptures sonores forment une constellation dans laquelle les artistes explorent les multiples modalités du son, souvent avec une fascinante créativité. Fin connaisseur de cet art sonore qui fait interagir le visuel et l’auditif, Jean-Yves Bosseur brosse un large ensemble de portraits, émaillé de témoignages et de quelques entretiens, de ce domaine multiforme qui va des nouveaux instruments (en particulier ceux conçus par Harry Partch, les frères Baschet ou le suisse Oscar Wiggli) aux musiques du silence de Jaume Plensa, en passant par des harpes éoliennes dérivant sur des radeaux, des membranes de haut-parleurs dont les vibrations sculptent une fine couche de pigment coloré, 800 clochettes japonaises fixées sur de longues tiges et placées dans un désert, des boîtes à musique déformées, des cordes mesurant plusieurs mètres de long, sans compter les bruits des mécanismes des machines de Tinguely, les activités du mouvement Fluxus ou les diatopes et polytopes de Xenakis, pour ne donner que quelques exemples. La foisonnante imagination des près de 250 créateurs, inclassables pour la plupart, cités dans cet ouvrage, ne connait aucune limite, y compris dans le choix des matériaux (depuis le travail sur des éléments primordiaux tels que l’eau ou l’air jusqu’aux technologies numériques), dans les diverses situations (de la performance avec participation active du public à l’installation autonome indépendante de la présence ou non d’auditeurs) ou dans les interactions acoustiques avec les lieux naturels ou l’architecture.
Usage pédagogique de la musique contemporaine
Utiliser de manière ludique, au niveau scolaire ou dans le cadre d’écoles de musique, certaines techniques d’écriture ou d’improvisation de la musique contemporaine, mais également extra-européenne, afin d’explorer le monde sonore, de développer les capacités d’audition aussi bien que l’imaginaire et la créativité, de permettre aux élèves de trouver et retrouver le plaisir musical par une pratique vivante et joyeuse, telles sont les ambitions de l’ouvrage de la pédagogue, interprète et compositrice Andrea Cohen. A cet effet, ce manuel propose un nombre considérable d’exercices pratiques ou de modèles ouverts d’action, inspirés par le théâtre musical, l’art sonore et radiophonique (captation et manipulation des sons, montage et mixage, etc.) et les musiques mixtes (combinaison de musique interprétée et d’électroacoustique).
Gérard Le Vot : Les Troubadours : les chansons et leur musique, 396 p., € 33.00, Éditions Minerve, Paris 2019, ISBN 978-2-86931-155-8
Christian Goubault : Histoire de l’intrumentation et de l’orchestration, Du baroque à l’électronique, Seconde édition, 480 p., € 33.00, Éditions Minerve, Paris 2017,
ISBN 978-2-86931-146-6
Jean-Yves Bosseur : L’Art sonore. Le son dans les arts plastiques contemporains, 252 p.,
€ 23.00, Éditions Minerve, Paris 2020, ISBN 978-2-86931-160-2
Andrea Cohen : Manuel de pédagogie musicale : art sonore, musiques mixtes, théâtre musical, 180 p., € 19.00, Éditions Minerve, Paris 2020, ISBN 978-2-86931-157-2