Fantaisie pour piano

Chacque vendredi, Beethoven est ici. Pour le 250e anniversaire de la naissance de Beethoven, la Revue Musicale Suisse jettera chaque semaine un œil sur une œuvre différente de son catalogue. Aujourd’hui pour la fantaisie pour piano en sol mineur.

Extrait du portrait de Beethoven par Joseph Karl Stieler, ca. 1820

Ce n’est que très rarement (pratiquement jamais, en fait) qu’un pianiste ose encore improviser une de ces cadences si fortement demandées dans les concertos pour piano créés dans les années 1800, quand l’orchestre se taisait dans un accord en quarte et sixte. Cet art, considéré comme acquis à l’époque, dans lequel on se plaisait à se laisser aller au travers des motifs, des thèmes et des tonalités, a été oublié en à peine deux ou trois générations. D’un autre côté, des cadences toutes faites ont vu le jour, qu’il suffisait de choisir et de rejouer. Beethoven déjà en a noté sur demande ; plus tard, des pianistes et compositeurs renommés s’y sont mis également : Brahms, Bülow, Busoni, Fauré, Godowsky, Liszt, Medtner, Moscheles, Reinecke, Rubinstein, Saint-Saëns, Clara Schumann, pour n’en mentionner que quelques-uns.

C’est ce vieil esprit de l’improvisation qui s’exprime également dans la Fantaisie op.77 – bien que les musicologues aient souvent essayé de découvrir des références dans d’infimes détails pour prendre la défense du compositeur dans cette œuvre plutôt impopulaire. Beethoven n’était pas seulement un compositeur éclairé, mais aussi (on l’oublie souvent) un pianiste, et ce pendant la majeure partie de sa vie. Carl Czerny, dans son Kunst des Vortrags (Art de l’interprétation) en 1842 déjà, y faisait explicitement référence : « Cette intelligente fantaisie donne une image fidèle de la façon dont il [Beethoven] improvisait lorsqu’il ne voulait pas aborder un thème spécifique : il laissait son génie inventer des motifs toujours nouveaux. » Cela ne contredit pas le fait que cette œuvre a été précédée d’esquisses et que son manuscrit est tracé dans la plus belle des écritures : toute bonne improvisation (même en jazz) est basée sur une forme, qu’elle soit écrite ou juste imaginée mentalement. Mais si l’on tient compte du contexte musical en 1809, l’opus 77 de Beethoven semble être tout à fait à la hauteur à l’époque, combinant l’imagination libre à une courte série de variations (figuratives). Czerny le relève également dans son Anleitung zum Fantasieren (Guide de la fantaisie, 1829) où il recommande d’allonger les improvisations, ajoutant qu’il convient ici « d’invoquer le thème qui va suivre en en faisant une introduction appropriée ». De nombreuses œuvres oubliées depuis longtemps d’autres compositeurs se sont basées sur cette structure (Hummel, Steibelt…). Avec Beethoven, cependant, et comme souvent chez lui, la fantaisie (bien qu’imprimée) reste unique.


Aufnahme auf idagio


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