Eloge de l’obèse Schuppanzigh
Chacque vendredi, Beethoven est ici. Pour le 250e anniversaire de la naissance de Beethoven, la Revue Musicale Suisse jettera chaque semaine un œil sur une œuvre différente de son catalogue. Aujourd’hui pour l’Eloge de l’obèse Schuppanzigh pour trois solistes et chœur.
Ce ne sont pas toujours les grandes œuvres de l’histoire de la musique qui parlent des relations interpersonnelles. Souvent, de simples canons ou aphorismes musicaux écrits à l’improviste donnent le meilleur aperçu de l’environnement et du quotidien d’un compositeur, même si on les considère comme des miettes de son œuvre. C’est le cas de Beethoven. Parfois, il s’agit de moqueries familiales (« la grosse et sa gamine ont triomphé », un canon en trois parties sur la belle-sœur et sa fille, WoO 226), ou de la question du lieu où dîner : « Messieurs, où dînerez-vous aujourd’hui, au bœuf, au cygne, aux trois hameçons ou même au bocal à poissons » (WoO 221, 1re version du texte). Le départ de Johann Nepomuk Hummel pour Stuttgart est plus sérieux (« Ars longa, vita brevis », WoO 170), et l’apparition du compositeur danois Friedrich Kuhlau dans l’un des livres de conversation a été subtilement notifiée par un motif B-A-C-H (« Kühl, nicht lau », WoO 191).
Ignaz Schuppanzigh (1776-1830), qui avait créé avec son ensemble presque tous les quatuors à cordes de Beethoven, a reçu deux fois de tels courts messages musicaux. Et les deux fois, le texte relève la forte corpulence du violoniste. En 1801, Beethoven, qui lui avait d’ailleurs donné le surnom de « Milord Falstaff », le traite de « crapule », de « gros ventre de porc » et de « tête d’âne pompeuse » dans une blague amicale et moqueuse. Le son est un peu plus doux lorsque Schuppanzigh revient de Saint-Pétersbourg en avril 1823 et est accueilli par le canon « Falstafferl, lass’ dich sehen » WoO 184 (où les notes rapidement répétées et liées imitent le violon). Bien que Beethoven ait été inspiré à plusieurs reprises par Schuppanzigh et ses camarades du quatuor et qu’il ait apparemment pu essayer grâce à eux des versions préliminaires en privé, l’amitié artistique a dû supporter quelques écueils – entre autres, la première notoirement ratée du Quatuor à cordes en mi bémol majeur op. 127. Mais ce qui fait la particularité de Schuppanzigh sur le plan musical a été transmis à Beethoven par le deuxième violon Karl Holz : « Milord a mieux joué aujourd’hui que jamais. – Personne ne peut jouer comme lui des passages comme le récitatif [de l’op. 132]. – Il a ce que personne d’autre ne peut apprendre ; mais il n’a rien appris d’autre non plus. »
Aufnahme auf idagio
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